Parcours vers un rapport intégré : l’expérience d'AtkinsRéalis

Comme beaucoup d'entre nous qui observons l'évolution du développement durable en entreprise, vous avez peut-être remarqué une tendance croissante : les plus grandes entreprises du monde vont au-delà des rapports traditionnels sur la durabilité et adoptent des rapports intégrés. Selon un rapport de KMPG pour 2024, 82 % des 250 plus grandes entreprises mondiales incluent désormais dans leurs rapports annuels des informations sur le développement durable ainsi que des informations financières.

Cette évolution traduit une reconnaissance plus large du fait que les capitaux naturels et sociaux, ainsi que les autres capitaux non financiers, renforcent les performances financières à long terme. En conséquence, les investisseurs et les parties prenantes s'intéressent de plus en plus à la manière dont les organisations gèrent leurs ressources à travers tous les types de capitaux, gèrent les risques systémiques et créent de la valeur à long terme.

La Fondation des normes internationales d'information financière (IFRS) définit le rapport intégré comme suit :
Il s’agit d’une communication concise sur la manière dont la stratégie, la gouvernance, la performance et les perspectives d’une organisation conduisent à la création de valeur à court, moyen et long terme. Il vise à améliorer la qualité de l’information disponible pour les apporteurs de capital financier, tout en étant utile à l’ensemble des parties prenantes

Contrairement aux rapports traditionnels sur le développement durable - qui se concentrent généralement sur les initiatives et les informations environnementales et sociales d'une organisation - et aux rapports financiers distincts qui détaillent l'actif, le passif, les capitaux propres, les revenus et les dépenses, les rapports intégrés offrent une vision plus globale.

Selon les normes IFRS, un rapport intégré présente des informations sur la stratégie, la gouvernance, les performances et les perspectives d'une organisation. Il met en évidence la gestion des ressources par l'organisation et la manière dont elle crée de la valeur à travers de multiples capitaux. L'approche est fondée sur la pensée systémique et la prise en compte des interconnexions au sein des capitaux et entre eux.

Si les investisseurs restent le principal public des rapports intégrés et financiers, les rapports intégrés sont également conçus pour informer un éventail plus large de parties prenantes. Le rapport intégré a connu une évolution constante au cours des 15 dernières années, depuis la création du Conseil international pour l'établissement de rapports intégrés (IIRC) en 2010, en réponse directe à la crise financière mondiale. Le premier cadre de référence pour les rapports intégrés a été publié par l'IIRC en 2013, avec une version mise à jour publiée en 2021, et relève désormais de la responsabilité de la Fondation des normes internationales d'information financière (IFRS).

Le parcours d'AtkinsRéalis en matière de rapports intégrés

Il y a deux ans, AtkinsRéalis a décidé de faire un pas en avant dans son parcours de développement durable et a publié son premier rapport intégré en mai 2024. Avec la publication du deuxième rapport intégré d'AtkinsRéalis en mai 2025, je me suis entretenu avec Marie-Michèle Bleau, responsable du développement durable d'AtkinsRéalis. Notre discussion a permis de jeter un regard en coulisses sur les motivations, les défis et les leçons apprises par AtkinsRéalis alors que l'entreprise passe d'un rapport de développement durable traditionnel à un modèle intégré plus holistique.

Pourquoi un rapport intégré ?

Pour AtkinsRéalis, le passage au rapport intégré était à la fois stratégique et naturel. « Nous avons considéré qu'il s'agissait d'une bonne pratique« , a expliqué Mme Bleau. «  C'était la suite logique de notre parcours en matière de développement durable. Nous voulions démontrer que le développement durable et la performance financière sont interconnectés et doivent être gérés simultanément. »

L'intérêt des investisseurs a joué un rôle important dans ce changement. « Ils ne se contentent plus de regarder les données financières », a-t-elle fait remarquer, « ils veulent aussi comprendre nos performances en matière de développement durable ».

Cadres et orientations

Bien que l'entreprise aspire à s'aligner plus étroitement sur le cadre de référence pour les rapports intégrés de l'IFRS, elle s'inspire actuellement d'un ensemble de normes établies. Il s'agit notamment de la Global Reporting Initiative (GRI), du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) et des mesures du Forum économique mondial. « Nous n'essayons pas de manger tout l'éléphant en une seule bouchée », a déclaré Mme Bleau, reconnaissant la nature progressive de la transition.

Attentes des entreprises et assurance à l’égard de l’information relative à la durabilité

L'une des principales attentes des dirigeants de l'entreprise était la vérification des données. « Dans la mesure du possible, nous avons cherché à obtenir l'assurance d'auditeurs externes », a déclaré Mme Bleau. Lorsque cela n'était pas possible, les équipes d'audit interne sont intervenues. L'accent mis sur l'intégrité des données marque un changement par rapport aux années précédentes, où certains indicateurs étaient publiés avec un niveau de vérification plus limité. « Nous avons été déçus de publier moins d'indicateurs, mais la qualité l'emporte sur la quantité ».

Avantages et réactions des parties prenantes

L'avantage le plus important à ce jour ? La confiance. « Avec davantage de contrôles et de vérifications, nous pouvons vraiment avoir confiance dans les informations que nous diffusons", a souligné Mme Bleau. Bien que les réactions des investisseurs soient souvent subtiles, il est clair que l'approche intégrée est appréciée, en particulier lors des réunions individuelles et dans les réponses aux questionnaires.

Il est intéressant de noter que les rapports intégrés restent relativement rares en Amérique du Nord, en particulier dans les secteurs de l'ingénierie et du nucléaire. « Nous sommes peut-être un peu les pionniers dans notre petite bulle », a-t-elle déclaré.

Apprendre de ses pairs, rester fidèle à son objectif

AtkinsRéalis a adopté une approche hybride, s'inspirant de ses pairs tout en adaptant le rapport aux enjeux importants pour ses propres opérations. La participation au processus d'examen par les pairs du Pacte mondial des Nations unies et les commentaires des membres du conseil d'administration, qui peuvent souvent fournir des informations approfondies sur d'autres entreprises, ont enrichi le processus. Toutefois, le rapport reste axé sur une évaluation de l'importance relative de 2022, reflétant des opportunités uniques dans les domaines du nucléaire, du rail et des transports en commun, par exemple.

Défis et enseignements tirés

La production du rapport est un effort complexe de collaboration. « Chaque équipe veut être la dernière à revoir la version finale », dit Mme Bleau en riant. « Mais ce n'est pas possible ». La gestion des données multiples, la garantie de l'exactitude et le contrôle des versions sont des défis majeurs.

Principaux enseignements ? Planifier à l'avance, définir clairement les rôles de chaque équipe et faire preuve de patience. « Les cycles de durabilité peuvent prendre jusqu'à 18 mois »,, a-t-elle déclaré. « On ne peut pas ajouter un nouvel indicateur trois mois avant la publication et s'attendre à ce que les données soient prêtes à temps ».

Le changement grâce à la publication de rapports

Mme Bleau estime que le processus de publication du rapport a entraîné de réels changements. Un inventaire plus complet des émissions de gaz à effet de serre, en particulier des émissions de type 3, a aidé l'entreprise à identifier les domaines à fort impact tels que les investissements et les achats de biens et de services. « Nous avions une intuition, mais nous disposons désormais des données nécessaires pour réduire activement les émissions dans ces domaines. »

Perspectives d'avenir

L'entreprise se prépare à une nouvelle évaluation de la matérialité cette année et vise à s'aligner plus étroitement sur le cadre de référence pour les rapports intégrés. Ses autres objectifs sont de publier le rapport plus tôt - idéalement six semaines avant l'assemblée générale annuelle - et de développer à la fois les mesures et les informations qualitatives.

Conseils aux autres organisations

Le message de Mme Bleau aux autres organisations qui envisagent d'établir des rapports intégrés est simple : « Les organisations gagneront à avancer lentement, mais sûrement. Planifiez à l'avance, soyez patient et avancez un pas à la fois. »

Je tiens à remercier sincèrement Marie-Michèle Bleau d'avoir pris le temps de me parler et de partager son expérience. Ses réflexions offrent des conseils précieux aux organisations qui s'engagent sur la voie de la production de rapports intégrés. Le plus récent rapport est disponible ici : Rapport annuel intégré 2024 - AtkinsRéalis